De nombreux lecteurs français du Monde réagissent à l'article paru dans l'édition datée de vendredi dernier...
Ce grand journal d'information n'y a pas encore donné suite. J'ai donc rêvé de ce que pourrait être sa réaction, sous la forme d'une "Lettre de la rédaction aux lecteurs français à l'étranger". Je vous la livre ci-après.
"Chères lectrices, chers lecteurs français établis hors de France,
La rédaction du journal "Le Monde" tient à vous présenter ses excuses pour l'article paru dans notre édition datée du jeudi 25 dernier.
Inutile en effet de relire nos propres engagements déontologiques pour confirmer que cet article de notre collaborateur Patrick Roger, partiel et partial, pouvait éventuellement trouver place dans une Tribune libre, mais certainement pas dans un article engageant notre rédaction.
Le plus grave n'est pas que, dès le deuxième alinéa le lecteur cherche vainement de quel "demi-million" de "citoyens installés à l'étranger..." il s'agit puisque le premier alinéa ne parle que des 385 615 inscrits sur les listes électorales en 2002 et d'un chiffre de 800 000 qui devrait être dépassé en 2007 ce qui ne fait vraiment un écart de 500 000.
Non, mais de l'explication insuffisamment précise qui est faite de cet accroissement : citoyens qui ne votaient pas auparavant - combien ? - et "augmentation du nombre des expatriations ces dernières années", formulation qui peut laisser à penser qu'une grande partie de cet accroissement résulterait d'expatriations massives récentes au cours des cinq dernières années.
Chère lectrice, cher lecteur, il n'en est rien. Nous nous sommes depuis rapprochés du ministère des affaires étrangères et de son bureau qui gère les questions électorales, ainsi que des deux associations représentatives de ces Français à l'étranger : l'ADFE-Français du Monde et l'UFE.
S'il y a bien un flux régulier positif d'expatriation française, il n'a rien de massif ni de récent. Et il n'explique que très partiellement l'accroissement important des inscrits sur les listes électorales de nos consulats.
Jusqu'à il y a peu, ces consulats géraient deux listes électorales permettant aux Français à l'étranger de voter dans un centre de vote ouvert dans leur pays d'accueil : l'une pour la présidentielle, les référendums et les législatives européennes ; l'autre pour l'élection de leurs représentants à l'Assemblée des Français de l'Etranger.
Sensibles aux arguments plusieurs fois développés par ces derniers (complications inutiles, taux d'abstention élevés...), ces deux listes - où chaque électeur potentiel n'était pas obligatoirement inscrit -, ont été fondues. Cela explique une large part de l'accroissement constaté.
Une seconde raison tient au fait que, pour améliorer la qualité des statistiques y relatives, la procédure "d'immatriculation" consulaire a été remplacée par une procédure "d'enregistrement" et que cette dernière entraîne automatiquement - sauf refus clairement exprimé - l'inscription sur la liste électorale du consulat concerné, alors que la précédente voulait que le nouvel arrivant demande spécifiquement son inscription sur l'un ou l'autre, ou sur les deux listes.
Compte tenu de la légère croissance continue de l'expatriation et des "migrations" d'un pays d'accueil à un autre, ceci explique le reste de l'augmentation du nombre d'inscrits sur la désormais seule et unique liste électorale dans chacun de nos consulats.
Il n'est d'ailleurs pas dit que tous voteront. Et encore moins qu'un seul parti en tirera tout le bénéfice.
Et c'est là une autre raison pour notre journal de vous présenter toutes nos excuses.
La rédaction des deux derniers alinéas de cet article peut en effet laisser à penser que seule l'UMP se soucie de mobiliser ces Français de l'étranger.
Les vérifications auxquelles nous avons procédé depuis nous conduisent à vous confirmer l'existence d'un programme public ancien de mobilisation citoyenne tant en France qu'à l'étranger, avec le concours de nos consulats, de RFI et de TV5 ; celui-ci a été renforcé à la demande des élus de l'étranger et de leurs associations en raison de la dégradation constatée des taux de participation aux votes à l'étranger, en dépit de l'expérimentation récente du vote par Internet qui a plutôt vu plus d'électeurs habituels l'utiliser - au lieu de se déplacer vers un consulat parfois très lointain - que d'électeurs nouveaux s'en servir et profiter de ce moyen d'exercer leur devoir citoyen.
Nous nous devons aussi de rendre à la vérité que, si l'UFE (et non l'UMP) -association proche principalement de l'UMP et de l'UDF mais aussi du FN - s'est associée à cette campagne, il en a été de même de l'ADFE-Français du Monde, association proche de l'ensemble de la gauche et du PS, notamment par sa Fédération des Français de l'Etranger.
Nous avons d'ailleurs retrouvé dans les archives des médias cités une récente émission menée de conserve par leurs deux présidents messieurs Nicoullaud et Pélisson !
Mais il y a encore une raison pour laquelle nous vous renouvelons toutes nos excuses.
En écrivant que "Le choix des destinations ne laisse guère de doutes sur les raisons fiscales et professionnelles qui motivent un grand nombre de ces expatriations" après avoir précédemment cité le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Suisse et la Belgique comme "principaux pays où se fixe cette communauté de l'étranger"... l'article en question jette l'opprobre sur la quasi-totalité de ces 2,3 millions d'expatriés qui, pour leur très grande majorité, n'ont aucunement eu la fiscalité comme motivation de leur migration.
Même le rapport de monsieur Thierry Mariani cité dans cet article n'arrive pas à cette conclusion. Sans compter les études de la DGI sur la prétendue "expatriation fiscale", études qui démontrent - tout d'ailleurs comme celle de 2004 du Conseil économique et social intitulée "Un atout pour notre pays, les entreprises créées par les Français établis hors de France" -, que rares sont nos compatriotes qui ont fait intervenir le facteur fiscal ou celui lié à notre Code du travail dans leur décision d'expatriation.
Chères lectrices, chers lecteurs, la vigilance de notre comité de rédaction a été prise en défaut et nous le regrettons.
Nous savons bien que la grande majorité des Français à l'étranger ne roule pas sur l'or et qu'il s'y trouve même nombre de compatriotes démunis qui, pour autant, chacun à sa façon, n'en font pas moins partager notre langue et nos valeurs quand ils ne sont pas importateurs et promoteurs de biens, services et technologies français.
Ils font rayonner la France à l'étranger. La France a grand besoin d'eux, partout où ils sont installés.
Chères lectrices, chers lecteurs, dès que l'actualité nous le permettra, nous reviendrons sur votre communauté de compatriotes à l'étranger en vue de la faire mieux connaître et... reconnaître."